mercredi 3 décembre 2008

1- La blessure

Une ancienne blessure est en train de se refermer.
Une blessure longtemps si douloureuse que je n'osais pas la regarder.
Je commence à la caresser doucement du doigt, par instants.
C'est un morceau de moi qui n'est plus tabou.

Oh non, ce n'est pas une blessure physique !
Juste le vécu d'une période de ma vie au travail.


C'était il y a trois ans déjà.
Je suis recrutée en début d'année pour donner un nouveau souffle à l'expertise dans une agence . En dépit des nombreux domaines à investir, je m'y sens rapidement à l'aise. Je prends en main mon équipe, réussit à souder ces experts pourtant si différents de caractères, de compétences, comme d'intérêts autour d'une dynamique commune.

Un nouveau chef arrive à l'été. Il est jeune, brillant, et semble ouvert.
En fait, très vite, notre relation grippe.
Il est agacé par ma liberté et ma joie, et par tous ces gens qui m'apprécient alentour.
Je refuse sa manière d'essayer de nous coincer tous dans son cadre trop strict, où les hommes sont des pions, où le travail se résume aux chiffres vus par sa hiérarchie , où tout n'est que compétition, pression, comparaison, contrôles incessants.
Un monde où une cadre qui prend son mercredi et ne pas travaille pas chez elle est anormale.
Il a également trois enfants, mais ne s'en occupe pas. Sa femme est au foyer, et il travaille dans les gradins quand il accompagne son fils à un match le week-end.

Et là, je ne comprend plus.
Tout est défini, régulé, obligatoire, contraignant.
Je me bagarre pour que mon rôle garde son sens dans cette atmosphère stérile
Je me révolte par moments, et tous les vendredis la réunion d'encadrement devient un moment plus que pénible.
Je protège comme je peux mon équipe.
Certains collègues restent sympathiques, en général ceux qui souffrent aussi sans forcément se l'avouer, et ne disent rien.
D'autres se révèlent cruels. Ce n'est pas rien de le découvrir.

Je perds toute confiance en moi, tant je me sens nulle, niée, à être traitée en exécutante.
Ça me fait mal, très mal.
Je me tais car je me sens coupable d'en souffrir ainsi, coupable d'être si inadaptée, coupable d'être moi.
Je perds progressivement pied.


Je ne m'arrête pas, je ne prends pas de médicaments.
Pourtant, cela ne peut plus durer.
Mon mari me pousse à trouver de l'aide car je crie, épuisée, aussitôt chez moi, et perturbe la maisonnée.
Je rêve de partir, seule, pour marcher en bord de mer.
Je claque parfois la porte et sors en pleurs dans la rue, m'imaginant ne plus revenir tant je me sens pesante, malfaisante pour les miens.
Je ne me supporte plus.

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